



Le moteur de la Porsche 917 : un chef-d’œuvre d’ingénierie
La Porsche 917 est une icône incontestée de l’endurance, et son moteur est à lui seul un sujet d’étude fascinant. Ce moteur 12 cylindres à plat refroidi par air est le fruit d’un savoir-faire mécanique hors normes et d’une volonté farouche de battre Ferrari et Ford sur leur propre terrain, celui des courses de très longue durée.
Origines : l’extrapolation du 8 cylindres
Le moteur de la 917 tire son origine directe du moteur flat-8 de la Porsche 908, qui lui-même était déjà une extrapolation du 6 cylindres à plat de la 911. En 1968, Porsche comprend que pour jouer la victoire au général au Mans, il faut plus de puissance et de cylindrée.
Plutôt que de concevoir un moteur entièrement nouveau, Hans Mezger, ingénieur légendaire chez Porsche, décide d’étendre le concept du flat-8 : on ajoute quatre cylindres supplémentaires, portant la configuration à un flat-12 (ou “boxer 12”). Le moteur conserve donc la disposition à plat, qui offre un excellent équilibre dynamique et un centre de gravité très bas.
Le moteur final de la 917 affiche une cylindrée initiale de 4,5 litres, portée ensuite à 4,9 litres, puis à 5,0 litres dans la version la plus performante.
Architecture : vilebrequin en deux parties avec entraînement central
Ce qui rend ce moteur particulièrement unique, au-delà du nombre de cylindres et du refroidissement par air, c’est son vilebrequin. Contrairement aux moteurs classiques qui ont un entraînement en bout, celui du 917 est entraîné au centre.
Pourquoi ? Parce que dans un flat-12 aussi long, les contraintes mécaniques deviennent énormes. Si l’on entraînait le moteur depuis un seul bout, les forces de torsion exercées sur l’ensemble du vilebrequin causeraient de graves déséquilibres et une usure prématurée. Pour y remédier, Porsche a adopté un vilebrequin en deux parties, avec entraînement central via l’arbre intermédiaire. Ce choix réduit les vibrations, permet une répartition plus équilibrée des charges, et limite les déformations à haute vitesse.
Ce système est également bénéfique pour le régime moteur : le flat-12 du 917 pouvait tourner au-delà de 8 300 tr/min, ce qui était exceptionnel pour un moteur aussi gros, surtout refroidi par air.
Lubrification : une artillerie lourde de pompes
La lubrification d’un moteur aussi complexe représente un défi colossal, surtout en endurance où les contraintes thermiques sont extrêmes. Le moteur du 917 utilisait un système de carter sec, ce qui permettait une meilleure gestion de l’huile en virage, une réduction de la hauteur du moteur, et un contrôle thermique plus efficace.
Mais ce n’est pas tout : le moteur utilisait sept pompes à huile distinctes, dont une pour l’aspiration générale, plusieurs pour les retours d’huile en provenance des différents compartiments (culasses, bas moteur, etc.), et une pour la pression d’alimentation. Chaque zone du moteur (avant, arrière, gauche, droite) avait sa propre pompe de retour. Cette redondance garantissait un refroidissement optimal et une lubrification continue, même dans les conditions les plus extrêmes.
Un autre détail intéressant : l’huile passait par un échangeur thermique spécifique, et les conduits de lubrification étaient calibrés pour maintenir la pression même en cas de températures d’huile supérieures à 130 °C.
Matériaux de pointe : boîtes en titane et alliages spéciaux
Dans le but de réduire le poids et augmenter la fiabilité, les ingénieurs ont utilisé le titane pour plusieurs composants critiques. L’arbre à cames, certaines biellettes, et surtout la boîte de vitesses étaient réalisés en alliage de titane.
La boîte de vitesses à 4 ou 5 rapports (selon les circuits) était conçue spécifiquement pour résister au couple phénoménal du moteur tout en limitant la masse non suspendue. Le titane, en plus de sa légèreté, offre une résistance thermique et mécanique supérieure à l’acier traditionnel, ce qui prolonge la durée de vie des composants sous charge constante.
Même à l’intérieur du moteur, Porsche utilisait des alliages d’aluminium/magnésium pour les carters, des bielles en titane, et des soupapes en sodium refroidies.
Astuces d’usure : fiabilité en priorité
Pour qu’un moteur de 600 chevaux survive 24 heures à plein régime, Porsche devait innover au-delà de la performance brute. Voici quelques-unes des “astuces” d’usure ou d’ingénierie fine :
- Sur-dimensionnement des composants :
Le moteur était conçu avec des tolérances larges et des pièces capables de supporter plus que la charge normale. Le taux de compression était relativement bas (autour de 10:1), ce qui limitait les contraintes thermiques. - Injection mécanique Bosch :
Plus précise que les carburateurs, elle permettait une meilleure atomisation du carburant, donc une combustion plus propre, plus fraîche, et donc moins de dépôts dans les chambres. - Allumage double bougie :
Chaque cylindre avait deux bougies (allumage double), ce qui favorisait une combustion complète, réduisait les cliquetis, et donc prolongeait la durée de vie du moteur. - Ventilation massive par turbine centrale :
Le refroidissement par air nécessite une circulation constante. Une énorme turbine, positionnée horizontalement, propulsait de l’air dans les ailettes des cylindres et des culasses. Cette turbine consommait jusqu’à 15 chevaux à elle seule, mais était essentielle pour maintenir des températures viables. - Accès et démontage faciles :
Le moteur a été conçu pour un entretien rapide en course. Les échangeurs d’huile, l’embrayage, les carters latéraux étaient accessibles sans démonter tout le bloc, ce qui permettait aux mécaniciens d’intervenir vite. - Tension constante des courroies d’arbre à cames :
Les arbres à cames étaient entraînés par des pignons et chaînes, avec un système de tension automatique pour éviter les sauts de dents ou les vibrations à haut régime.
Performances et évolution
Le moteur initial de 4,5 litres développait environ 580 chevaux à 8 300 tr/min. En 1970, le 4,9 litres monte à 600 ch, et en 1971, la version 5,0 litres dépasse les 630 ch.
Dans les versions ultérieures destinées à la CanAm (917/10 et 917/30), Porsche ajoute deux turbos, et le moteur atteint des puissances stupéfiantes de 1 100 à 1 500 ch (en qualification).
Mais pour Le Mans, la priorité restait la fiabilité, et c’est là que Porsche a excellé : les 917 gagnaient sans casser, là où Ford ou Ferrari pouvaient échouer sur des détails techniques.
Une œuvre d’art fonctionnelle
Le moteur de la Porsche 917 est bien plus qu’un assemblage de métal. C’est une synthèse magistrale d’expérience en compétition, de choix techniques audacieux, et d’une volonté obsessionnelle de fiabilité.
Il incarne la philosophie Porsche à son sommet : une ingénierie sans compromis, au service de la performance durable. Grâce à ce moteur, Porsche est passée du statut d’outsider à celui de référence ultime en endurance, et la 917 est entrée dans la légende.
Illustration Porsche 917 – lavis encre de Chine tableau 50 x 65 cm – librement inspirée de plusieurs photos vue dans des journaux.
Philippe Lepape
Renseignements
“À partir d’une ou de photos d’archive, auteur inconnu. Mise en couleur et transformation artistique par Philippe Lepape »
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