



Cadillac Series 61 DeVille “Petit Pataud” – Une audace américaine au Mans 1950
En 1950, les 24 Heures du Mans prennent une tournure fascinante avec l’arrivée inattendue d’une Cadillac Series 61 DeVille, surnommée avec malice « Petit Pataud » par la presse française. Cette voiture, simple en apparence, devint le porte-drapeau d’une Amérique audacieuse prête à défier les codes européens de la course d’endurance.
Le pilote et son équipage
Au volant de Petit Pataud, on trouve l’équipage formé des frères Miles et Sam Collier. Ces deux Américains sont issus d’une famille fortunée de Floride. Miles Collier possédait déjà une expérience à Le Mans, puisqu’il y avait participé en 1939 au volant d’une MG. Cela faisait de lui le seul membre de l’équipe à avoir déjà affronté la Sarthe. Sam, de son côté, partageait la même passion pour les sports mécaniques. Ensemble, ils apportaient un mélange de fraîcheur et de sérieux, prêts à relever le défi avec cette imposante Cadillac.
L’écurie de Briggs Cunningham
Derrière le projet se trouve Briggs Swift Cunningham, riche industriel américain et passionné de sports mécaniques. Mécène, pilote et visionnaire, il souhaitait prouver que l’industrie automobile américaine pouvait rivaliser avec les marques européennes dans la plus exigeante des compétitions. Initialement, Cunningham espérait inscrire une « Fordillac », un châssis Ford motorisé par un V8 Cadillac. Mais les organisateurs du Mans refusèrent cette configuration jugée non conforme. Refusé, mais pas découragé, Cunningham revint avec deux Cadillac Series 61 DeVille. La première resta presque d’origine et fut surnommée Petit Pataud, tandis que la seconde, radicalement modifiée avec une carrosserie profilée, fut affublée par la presse du sobriquet « Le Monstre ».
La voiture
Petit Pataud repose sur un châssis de série Cadillac, modèle 1950. Peu de modifications furent apportées : un collecteur d’admission avec double carburateur, un réservoir supplémentaire pour l’autonomie, des conduits d’air destinés à refroidir les freins et quelques phares additionnels pour l’épreuve de nuit. Pour le reste, la voiture conservait ses caractéristiques d’origine. Son moteur V8 de 5,4 litres (331 ci) développait environ 160 chevaux. Sa carrosserie massive et son poids conséquent faisaient sourire les observateurs européens habitués aux sportives légères d’Alfa Romeo, Ferrari ou Jaguar. Mais Cunningham assumait ce choix : la robustesse et la fiabilité primaient sur l’agilité.
Les performances en course
Contre toute attente, Petit Pataud réalisa une prestation remarquable. Lors des 24 Heures du Mans 1950, la Cadillac pilotée par les frères Collier réussit à tenir un rythme constant et à démontrer une endurance exemplaire. Malgré des problèmes mécaniques, notamment la perte de deux rapports de boîte de vitesses au cours de l’épreuve, elle franchit la ligne d’arrivée à la 10e place du classement général. Ce résultat dépassait largement les attentes, surtout face à la concurrence européenne affûtée.
Cette performance fut d’autant plus significative que de nombreux favoris connurent des abandons, notamment les Ferrari de Chinetti et Sommer ou encore la Simca-Gordini de Fangio et González. L’endurance et la fiabilité du moteur Cadillac permirent à Petit Pataud de tirer parti de ces revers et de se hisser parmi les dix premiers. Le Monstre, de son côté, rencontra davantage de difficultés malgré une vitesse de pointe supérieure. Coincé dans un bac à sable de Mulsanne, il perdit de précieuses dizaines de minutes, faute d’une pelle embarquée. Au final, il termina 11e, juste derrière son jumeau plus sage.
Contexte et anecdotes
Le surnom de Petit Pataud reflétait la perception française de l’époque : une voiture pataude, lourde, peu adaptée aux sinuosités du circuit de la Sarthe. Pourtant, cette apparence trompeuse se transforma en symbole d’endurance et de fiabilité. La Cadillac, avec son confort, son moteur coupleux et sa capacité à maintenir un rythme sans faillir, déjoua les pronostics. L’équipage Collier, malgré les limites techniques, sut ménager la mécanique et exploiter la régularité de la voiture.
Une anecdote célèbre concerne justement l’épisode du Monstre dans le bac à sable. Miles Collier avait suggéré d’embarquer une pelle, au cas où. On refusa, considérant l’idée inutile. Ironie de l’histoire, c’est précisément l’absence de cet outil qui coûta de longues minutes au Monstre. Ce détail fit sourire les journalistes, mais souligna aussi la différence entre improvisation américaine et rigueur européenne.
Héritage et postérité
Le Mans 1950 marqua le grand retour des voitures américaines dans la Sarthe depuis 1935. Avec Petit Pataud et Le Monstre, Cunningham démontra que l’industrie automobile américaine pouvait avoir sa place sur la scène internationale de l’endurance. Ces Cadillac, imposantes et atypiques, furent accueillies avec amusement, parfois condescendance, mais elles quittèrent la Sarthe couvertes de respect. Terminer la course et se classer dans le top 10 était déjà un exploit en soi.
Pour Cadillac, cette aventure contribua à renforcer l’image d’une marque prestigieuse, symbole de puissance et de robustesse. Pour Cunningham, ce fut le point de départ d’une histoire plus vaste. Dans les années qui suivirent, il développa ses propres voitures de course, dont le fameux Cunningham C-1, avant de poursuivre avec d’autres modèles taillés pour Le Mans. Son ambition ne se limitait pas à participer, mais bien à conquérir.
Au-delà des chiffres et des classements, Petit Pataud reste une page de légende. Une voiture quasi de série, conduite par deux frères passionnés, soutenue par un mécène visionnaire, est parvenue à défier les meilleures équipes d’Europe. Son surnom moqueur devint une médaille d’honneur. Elle incarne l’esprit d’audace, la persévérance et la volonté de repousser les frontières établies.
En résumé
La Cadillac Series 61 DeVille « Petit Pataud » n’était peut-être pas la plus rapide ni la plus élégante des concurrentes, mais elle fut l’une des plus marquantes du Mans 1950. Avec sa 10e place, elle prouva que la fiabilité et la régularité pouvaient rivaliser avec la vitesse pure. Elle ouvrit la voie à d’autres projets américains au Mans et renforça la légende de Briggs Cunningham et de ses équipages. Aujourd’hui encore, son histoire reste une source d’inspiration pour les passionnés d’automobile et d’endurance.
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