



Contexte historique : deux Jaguar, deux époques
La Jaguar XK est une série de modèles sportifs produits entre 1948 et 1961. Elle commence avec la XK120, puis la XK140 (1954), et enfin la XK150 (1957). Ces voitures incarnent le renouveau de l’automobile britannique d’après-guerre, mêlant performance, élégance et prix relativement abordable.
La Jaguar Type E, elle, arrive en 1961, en remplacement naturel des XK. Elle marque une rupture stylistique et technologique. Lors de sa présentation au Salon de Genève, Enzo Ferrari lui-même la qualifie de « la plus belle voiture jamais produite ». Mais au-delà de son look, la Type E est une vraie révolution en termes de performances.
Performances comparées
Jaguar XK120 / XK140 / XK150
- Moteur : 6 cylindres en ligne 3.4 ou 3.8 litres
- Puissance : de 160 à 265 ch pour les versions les plus poussées (XK150 S)
- 0 à 100 km/h : environ 8 à 10 secondes
- Vitesse maximale : jusqu’à 215 km/h pour une XK150 S 3.8
Jaguar Type E (Série 1, 1961–1968)
- Moteur : 6 cylindres en ligne 3.8 puis 4.2 litres (puis V12 dans les Séries 3)
- Puissance : entre 265 et 280 ch
- 0 à 100 km/h : autour de 7 secondes
- Vitesse maximale : 240 à 250 km/h
Rien qu’en regardant les chiffres, la Type E est plus rapide, plus nerveuse, mieux freinée et plus moderne. Mais ce n’est pas qu’une affaire de chiffres…
Technologie : là où la Type E prend l’avantage
La XK a été conçue dans les années 40. Elle repose sur un châssis séparé avec suspension avant indépendante, mais un pont arrière rigide. Le freinage est d’abord à tambours (freins à disque à partir des dernières XK150), et la boîte est à 4 vitesses sans synchronisation complète sur les premières versions.
La Type E, elle, adopte un châssis monocoque avec faux-châssis avant, ce qui améliore la rigidité et réduit le poids. Elle bénéficie également de :
- Suspensions arrière indépendantes, un bond en avant énorme en tenue de route
- Freins à disque aux quatre roues dès l’origine
- Boîte synchronisée
- Une aérodynamique bien plus travaillée, avec un Cx très favorable (vers 0.35)
- Un train avant dérivé des voitures de course Type D
Tout cela rend la Type E bien plus performante sur piste, avec une tenue de route précise, une meilleure stabilité en courbe, et un freinage bien supérieur. En virage, une XK est plus “ancienne école” : roulis, sous-virage, et comportement parfois piégeux à haute vitesse.
Style et philosophie
La XK est une voiture romantique, puissante et fluide, conçue pour les gentlemen drivers des années 50. Elle est plus rustique, plus typée “Grand Tourisme” que pure sportive. On peut la conduire sur de longues distances dans un certain confort, mais elle reste typique de l’après-guerre.
La Type E, au contraire, est une voiture de sport moderne, née dans une époque de rupture, influencée par la compétition. Elle est plus basse, plus large, plus agressive. Sa carrosserie, inspirée des Type D victorieuses au Mans, a été dessinée avec des outils aérodynamiques utilisés en aviation.
Et sur circuit ?
Sur un circuit classique, même ancien (Goodwood, Le Mans, etc.), la Type E dominerait la XK grâce à :
- Sa tenue de route supérieure
- Son freinage plus endurant
- Son accélération plus franche
- Sa meilleure vitesse de passage en courbe
Même une XK150 S 3.8, qui est la plus affûtée des XK, aurait du mal à suivre une Type E bien réglée. Elle pourrait se défendre en ligne droite, mais perdrait du temps au freinage et dans les virages.
Et pourtant… la XK a ses qualités
Cela dit, la XK reste une voiture exceptionnelle pour son époque. Elle a battu des records de vitesse (la XK120 fut la voiture de série la plus rapide du monde en 1949), a gagné des courses prestigieuses (Mille Miglia, Rallye de Monte Carlo, Le Mans en version C-Type dérivée), et a posé les bases du renouveau de Jaguar.
Elle est aussi plus rare, surtout dans ses premières versions, et bénéficie d’un charme vintage inégalé, notamment en version roadster.
Héritage : deux légendes, un seul ADN
La Jaguar XK a lancé la dynastie des moteurs XK six cylindres, utilisés jusque dans les années 80. Elle a établi Jaguar comme constructeur sportif. La Type E, elle, est devenue une icône culturelle : prisée des stars, des designers et des passionnés, elle représente le “swinging sixties” à l’état pur.
Les deux voitures partagent un ADN commun : luxe abordable, performance, élégance. Mais la Type E est l’héritière qui dépasse sa mère, grâce à une conception bien plus moderne et axée sur la compétition.
En résumé : peut-on battre le temps ?
Alors, une XK pourrait-elle battre une Type E ? Techniquement, non. La Type E est plus rapide, plus précise, plus sûre, mieux suspendue. Elle représente une évolution logique du concept XK, avec 15 ans de progrès technologique en plus.
Mais dans le cœur des passionnés, la XK conserve une magie que la Type E ne remplace pas forcément. C’est un peu comme comparer une montre mécanique à une montre connectée : la plus ancienne ne bat pas la plus moderne en efficacité, mais elle garde une aura intemporelle.
Et sur la route, le plaisir, parfois, ne se mesure pas au chrono.
Illustration mixte dessin/palette graphique 97 x 97 cm
Philippe Lepape
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