



Mercedes W196 Streamliner : la flèche d’argent carénée qui a défié la Formule 1
Lorsque Mercedes-Benz revient en Formule 1 en 1954, après plus de quinze ans d’absence, elle ne se contente pas de produire une bonne voiture. Elle propose une machine radicale, à la fois puissante et futuriste. Parmi les variantes les plus marquantes de la W196, la version streamliner, à la carrosserie entièrement carénée, est une œuvre technique à part. Rarement vue en Formule 1, cette configuration inspirée des prototypes d’endurance et des avions, démontre toute l’ingéniosité de la marque allemande. La W196 Streamliner n’a pas seulement été rapide : elle a marqué l’histoire par son audace aérodynamique et ses victoires éclatantes.
Une aérodynamique visionnaire
À une époque où les monoplaces de Grand Prix arborent des formes simples, à roues découvertes, Mercedes ose l’audace. Pour les circuits rapides aux longues lignes droites, comme Reims, Monza ou Avus, l’équipe allemande développe une carrosserie entièrement profilée : la W196 Streamliner.
L’idée est simple : réduire la traînée aérodynamique pour atteindre des vitesses de pointe supérieures. Inspirée par les flèches d’argent des années 1930 et par l’aéronautique, la carrosserie enveloppe complètement les roues. Seule une étroite ouverture permet au pilote d’émerger de l’élégant fuselage métallique. L’ensemble évoque plus un avion de chasse qu’une voiture de course.
Cette ligne fluide permet à la W196 Streamliner d’atteindre des vitesses avoisinant les 290 à 300 km/h, un exploit en 1954. Sur des circuits comme Reims, la voiture est presque imbattable dans les longues pointes.
Technique avancée, même sous la carrosserie
Sous cette carrosserie révolutionnaire se cache une mécanique tout aussi innovante. La W196 est propulsée par un moteur 8 cylindres en ligne de 2,5 litres, monté incliné à 33° pour réduire la hauteur du capot et abaisser le centre de gravité.
L’alimentation en carburant est assurée par un système d’injection directe, dérivé de l’aviation militaire allemande, offrant un meilleur rendement que les carburateurs traditionnels. Résultat : environ 290 chevaux à 8500 tr/min, un record à l’époque.
Le châssis tubulaire ultra-léger, la boîte manuelle à 5 rapports, la suspension indépendante et les freins à tambour de grand diamètre confèrent à l’ensemble une stabilité impressionnante à haute vitesse, condition indispensable sur les circuits rapides.
Débuts triomphants à Reims en 1954
La première apparition de la W196 Streamliner a lieu lors du Grand Prix de France 1954 à Reims, dans la plaine champenoise. Mercedes débarque avec trois voitures, toutes en version carénée, confiées à Juan Manuel Fangio, Karl Kling et Hans Herrmann.
Les résultats sont spectaculaires : Fangio remporte la course, suivi de Kling. Les Mercedes sont près de deux secondes plus rapides au tour que leurs concurrentes. La W196 Streamliner fait immédiatement sensation. Sa silhouette profilée, son rugissement métallique et sa domination laissent le monde de la Formule 1 bouche bée.
Utilisation sélective sur circuits rapides
La version carénée n’est utilisée que sur certains circuits, choisis pour leur caractère rapide. Après Reims :
- À Monza (GP d’Italie 1954), la Streamliner permet à Fangio de gagner à nouveau.
- Sur le très rapide circuit de Avus, elle se montre redoutable avec sa vitesse de pointe.
- En revanche, sur des circuits sinueux comme Silverstone, Nürburgring ou Monaco, la version à roues découvertes est préférée, car plus maniable et plus adaptée aux virages serrés.
Les pilotes, notamment Fangio, ont noté que la version carénée était plus instable dans les virages, avec une visibilité réduite et une prise au vent latérale plus sensible, surtout en cas de freinage tardif ou de dépassement.
Design : une sculpture roulante
L’esthétique de la W196 Streamliner est unique dans l’histoire de la F1. Sa carrosserie en aluminium poli, ses formes fuselées, son cockpit intégré : tout évoque l’obsession du flux d’air. L’absence de roues visibles la fait ressembler à un prototype d’endurance… alors qu’elle court en Formule 1.
Elle préfigure, en quelque sorte, la recherche aérodynamique qui deviendra la norme dans les décennies suivantes.
Un impact durable malgré une carrière courte
Malgré ses performances, la version Streamliner est rapidement abandonnée fin 1955, au même moment que le retrait brutal de Mercedes de la compétition, à la suite de la tragédie du Mans.
Mais son héritage technique et esthétique est immense. Elle a prouvé que l’aérodynamisme pouvait faire gagner des dixièmes, voire des secondes entières, sur des circuits rapides. Et elle a montré qu’en Formule 1, l’innovation pouvait venir d’ailleurs — ici de l’aviation et des records de vitesse.
Aujourd’hui, la W196 Streamliner est une rareté absolue. Seuls quelques exemplaires existent dans les musées ou des collections privées. Quand l’un d’eux est mis en vente, il atteint des prix astronomiques, plusieurs dizaines de millions d’euros.
Conclusion : une flèche d’argent d’avant-garde
La Mercedes-Benz W196 Streamliner n’était pas seulement une voiture rapide. C’était un manifeste technique, une vision futuriste de ce que pouvait être la Formule 1. En carénant une monoplace, Mercedes a repoussé les limites de l’aérodynamisme et surpris un paddock encore ancré dans des idées classiques. Si sa carrière fut brève, son influence, elle, perdure encore. Comme Fangio le disait : « Une voiture en avance sur son temps, et un rêve pour tout pilote. »
Illustration originale – Technique lavis encre de Chine, 50 x 65 cm – Original ou impression tous formats, tous supports
Philippe Lepape
Renseignements
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